mardi, juin 27, 2006

L’habitat comme souvenir ( 1 / l’enfance)
















Ma première maison je m’en souviens pas trop car je l’ai quitté à l’age de trois mois. Je ne sais pas si mes souvenirs de cette époque sont vrai ou si je les aient construit avec les quelques photos que j’ai retrouvé.
Je n’ai aucun souvenir de la maison mais je sais qu’elle était en fin de ville ou au moins en fin de lotissement. Il y avait un grand champs derrière avec des herbes hautes. J’ai le souvenir aussi que tout était plat.
Cette maison est une première approche de la bizarrerie de la vie. En effet, loin des liens familiaux, je suis né à Orléans dans le Loiret car ma mère, en rentrant du Maroc, devait travailler à Paris ou elle ne trouvait pas a se loger.

Mes parents se sont ensuite installés à Toulon dans le Var car ma mère avait trouvé un poste à la préfecture. L’endroit n’était pas totalement étranger car ma grand-mère paternelle et sa sœur y vivaient.
Elles habitaient dans le Toulon historique dans un appartement vieillot ou j’arrivais a glisser des feuilles de papiers sous la cloison entre la chambre de ma grand-mère et le salon. Par les fenêtres de l’appartement je me souviens avoir souvent regarder la fin du marché quand les éboueurs viennent nettoyer l’endroit. Une peur dans le ventre à la vue des tas de betteraves cuites pourries et leurs jus couleur rouge sombre comme du sang sur le trottoir.

De l’appartement de la grand-mère jusqu'à chez nous c’était très simple, il suffisait de longer le bord de mer ( avenue de la république je crois ) et nous arrivions chez nous, au Panoramique.
Je me souviens d’un immeuble massif ( style habitat du début des années soixante dix.) planté au bord de l’eau. Quand on est arrivé ma mère a peint un mur en rouge comme dans chaque lieu ou elle avait habitée. Je me souviens de la clarté de cet appartement même si nos fenêtres ne donnait pas sur la Méditerranée.
Nous y sommes resté jusqu'à ce que j’ai trois ou quatre ans. Le temps de ce créer un monde à soi. Cet univers c’était un cour de tennis juste derrière l’immeuble ( ou pas loin !) ou je ramassais les balles perdues.
Il y avait, toujours derrière l’immeuble, une rue qui donnait sur une place d’asphalte ou il y avait une pharmacie ( j’ai bloqué sur les néons vert….) et un bus que nous prenions souvent avec ma mère pour aller… je ne me souviens plus ou.

Hors de l’appartement, hors de la ville je me souviens des centaines de ballades sur le Mont Farron et surtout celles ou mes parents s’enguelaient méchamment.
Il y avait aussi le port et les bateaux militaires.
Je me souviens,lors du déménagement, que mon père avait bouché l’entrée de ma chambre avec une armoire et qu’il me cherchait en me menaçant de représailles si je ne réapparaissait pas. Moi, j’étais prisonnier dans la chambre entrain d’essayer de pousser l’armoire et de dire « je suis là ,je suis là » mais personne ne m’entendait.
Quand on est petit la nuit est le moment ou l’on est barricadé à la maison. En été on dort avant qu’elle soit là et l’hivers on se colle à la vitre pour l’observer.
C’est à Toulon que je suis sorti la première fois alors qu’il faisait nuit . Il paraît que j’aurais eu ces mots : « Je marche nuit »…. Mon dieu, l’Ogre, deux ans et déjà poète !

Bizarrement j’ai beaucoup moins de souvenir de l’appartement que nous avons occupé par la suite à Bâle en Suisse..
En tout cas je me souviens d’un seul appartement situé dans un immeuble assez petit dans une rue tranquille qui débouchait sur un boulevard. Il y avait, derrière et sur le coté de l’immeuble, un gigantesque parc avec des marronniers et quelques pentes douces , agréable, l’hiver lorsqu’on sortait la luge.
Le fond du parc était délimité par un grand mur de briques grises. Il a dut se passer des moments importants pour moi vers ce mur car j’en garde une image net.
Le souvenir est quelque chose d’assez sordide : tu te souviens d’un mur, par contre tu es incapable de te souvenir du prénom et surtout de la tête de ton voisin ou de ta voisine en classe de C.P
L’appartement était moins lumineux que celui de Toulon. Une partie des fenêtres ( don un balcon) du salon donnait à l’arrière de l’immeuble sur le parc.
Je crois que les autres fenêtres ouvrait sur le coté de l’immeuble ou le parc était moins arboré et ou l’on pouvait apercevoir la rue.
Ma chambre était à l’opposé du salon, au bout d’un couloir. Logiquement la fenêtre devait donner sur le parc mais j’en ai aucun souvenir. Ce don je me rappelle vraiment c’est d’être assis au milieu de la chambre et la vue que j’avais sur le couloir et sur le salon tout au fond.
Cet appartement devait bien comporter des toilettes, une salle de bain, une cuisine et mes parents devait bien dormir quelque part mais…. Ça ne m’a pas marqué.

Au fur et à mesure que j’écris ce petit texte je me demande si le parc n’était pas tout simplement un pauvre jardin ou peut-être alors une immense forêt. En tout les cas, dans ma tête d’enfant tout tournait autour de cet espace de verdure, pour preuve, le nombre de fois ou j’ai placé le mot parc pour arriver a décrire cet appartement.

Il y a quelques années, en lisant Naissance de fantômes de Marie Darrieussecq, j’ai imaginé que l’appartement ou vit le personnage principal était cet appartement Suisse ou j’ai passé quelques années.









Je suis ensuite parti en Roumanie.
A Bucarest nous n’avions pas le droit de loger n’importe ou. Je ne sais pas si ma mère a eu le choix de l’appartement mais en tout cas nous avons atterris dans un « Bunker Diplomatique ».
L’immeuble était donc surveillé et entièrement peuplé d’ Espagnol, d’anglais, de Sénégalais, de Français ou d’américains. C’était un endroit super basique, une barre dans le style socialisme triomphant.
Je n’ai pas de souvenir qu’il y ait eu un balcon mais de longues vitres partout. L’appartement donnait sur l’avant et sur l’arrière du bâtiment. Nous devions être au cinquième ou sixième étage. La salle principale était immense, elle contenait un coin salle à mangé qui donnait sur une rue moche et un coin salon don les fenêtres nous laissaient voir, un peu plus loin des toits bas et des immeubles.
Ca à l’air d’être un peu la zone et la grisaille mais il faut comprendre qu’en avril ou en Mars 1977 la ville a subit un terrible tremblement de terre faisant 1500 mort et que Ceauşescu en a profité pour tout raser et reconstruire la ville comme les dictateurs aiment le faire. Il y avait d’énormes complexes de bâtiments officiels et des quartiers de misères totales.

La cuisine était proche de l’entrée, elle comportait deux portes, une donnant sur le vestibule et une autre donnant sur la partie salle à mangé de la grande pièce. Mes parents ( mon père est reparti pendant la première année de notre séjour roumain) avaient la première chambre dans le couloir puis venait la salle de bain et enfin ma chambre.
Ces trois pièces donnait sur l’arrière de l’immeuble.
Beaucoup d’espace et de lumière mais, même en étant très jeune, je sentait l’étouffement que provoquait cette dictature paranoïaque. Je me souviens des coups de téléphone anonymes de 19 heures que nous recevions de la part des renseignements généraux roumains qui voulaient savoir si nous étions bien chez nous, mais aussi nous rappeler chaque soir que nous étions sous haute surveillance.
Une fois je me ballade dans les couloirs et les étages de l’immeuble ( quel gamin en manque d’aventure n’as jamais joué a ça !) et je tombe sur une dame (la femme de ménage des parties communes ?)qui m’arrête et qui me dit mon nom, celui des mes parents ainsi que les fonctions exactes de ma mère au consulat français et l’endroit ou nous passons nos vacances d’hiver quand nous ne rentrons pas en France.
…Elle m’ordonne ensuite de ne plus me promener dans l’immeuble et de retourner chez moi.

Le fait de n’avoir pas le droit de parler aux « locaux » incite les expatriés à vivre en bandes. Il y avait donc toujours du monde à la maison pour des apéros et des dîners interminables. L’hivers, celui qui avait de l’eau chaude appelait les autres qui se rappliquaient aussitôt pour prendre des douches. Je me souviens de soirées ou il y avait une dizaine de personne une serviette à la main dans mon salon.
Un jour d’hiver je suis rentré de l’école et je suis allé voir mes poissons rouges dans ma chambre. Ils étaient morts sous une fine couche de glace. Nous avions passé des semaines sans chauffage.
Par les grandes vitres de ma chambre j’ai vu une nuit d’orage terrible.
Les éclaires étaient violets et ils quadrillaient littéralement le ciel. Je n’ai plus jamais revu de ces éclaires horizontaux qui formaient une série de carrés avec les verticaux.
Toujours par les fenêtres et toujours la nuit, mais coté rue cette fois, j’ai vu l’incendie de l’immeuble d’en face . Il y avait de longues flammes rouges qui partaient vers le ciel, j’entendais des gens crier et surtout des craquements puissants.

Je ne parle ici que de l’appartement mais j’ai des tas de souvenirs sur cet étrange pays qu’est la Roumanie ou nous avons habités jusqu'à mes dix ans, jusqu’en 85. C’était, il paraît, les années les plus sombre de la dictature. De la vie dans cette ville et de la vue de cet appartement j’ai appris la misère, la grisaille, la tristesse constante des visages, le mensonge, la parano mais aussi la solidarité et la débrouille.

Suite bientôt

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