mercredi, novembre 22, 2006

tempus bipartitum

Elles sentent la peur des hommes, d’ailleurs elles ne savent sentir que ça. La trompette de chaire, sorte de long naseau unique, qu’elles ont au milieu de la gueule ne sert qu’à détecter une seule odeur, celle de la peur.
Elles ne bougent pas beaucoup préférant rester dans les arbres aux pieds desquels elles savent que leurs proies finissent par passer. Elles attendent bercées, par le son des feuilles que froisse et défroisse le vent, qu’un homme se décide à traverser le bois.
Quand le malheureux apparaît, elles restent silencieuses mais se toisent les unes les autres d’un regard jaune pour savoir à qui reviendra l’honneur d’attaquer. Cette joute ne dure que quelques secondes puis la gagnante se laisse glisser lentement le long du tronc. De loin on peut croire à une liane un peu visqueuse se déroulant petit à petit.
Jusqu’au dernier moment tout se passe dans la douceur, elles savent depuis bien longtemps doser leurs efforts et adapter leur vitesse à celle de leur proie pour se trouver bien placées, un peu en arrière de la tête quand celle-ci passe à leur hauteur. A ce moment précis elles se laissent tomber lourdement sur la nuque de leur victime où elles plantent profondément les deux crochets qui leur servent de bras.
L’homme crie, sa peur augmente et la bête est contente.
Quand elle est fatiguée des hurlements, elle perfore les cervicales de l’homme avec sa trompe et aspire la peur de l’homme à sa source. La dernière chose que le martyrisé entend est le bruit des os qui se brisent, un son proche de celui du sablé dans lequel on mord, il tombe à genoux et, avant de s’effondrer face contre terre, il aperçoit les milliards d’yeux jaunes cachés dans le feuillage.

Son corps restera posé dans la terre humide jusqu'à ce qu’un autre homme s’enfonce, la peur vissée au ventre et bouillonnante dans la tête, au fond de ce bois à la recherche de cet ami disparu.

Elles sont légions ces créatures et, à un moment ou à un autre, je finirais bien par me décide moi aussi a entrer dans le bois à la recherche de ton corps.

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