dimanche, avril 30, 2006

dernière semaine du moi d'avril

Hier soir (dimanche 23)

je suis complètement malade. Le cerveau semble vouloir exploser. Le train de mon patron à deux heures de retard donc La soirée s’éternise. Je voudrais juste être chez moi et fermer les yeux.
Je voudrais juste être chez moi car demain mon boulot ferme pendant quatre jours pour des travaux et il va falloir assurer. J’ai la tête qui vibre parce que demain dans la journée je vais savoir si mon projet artistique est retenu par la municipalité.
Je suis chez moi vers les onze heures et demie. J’allume mon ordi pour récolter mon courrier et je me décide d’entrer la page web ou sera afficher les résultats des projets artistiques dans mes favoris ce qui me permettra d’y accéder d’un seul clic demain.
J’entre l’adresse et la page s’affiche. J’ai du mal à réaliser que les résultats y sont déjà affichés. Mon cœur s’emballe et je ne comprends pas d’abord l’ordre ultra simple des compagnies retenues. Ces résultats anticipés me déstabilisent car c’est d’habitude le genre de chose que j’anticipe par une macro séance de respiration et un gonflage artificiel de confiance et d’estime de soi.
Là, je suis pris dans un piège.

J’ai beau regarder la liste dans tout les sens (et elle n’est pas longue) je n’y suis pas. N’y figure pas non plus le deuxième projet auquel je suis associé.
Ma respiration se bloque. La première chose qui me passe par la tête c’est que je suis seul devant mon écran, que je peux mourir n’importe quel moment. Il me faut un long moment pour débloquer ma mâchoire et surtout pour enlever le poids invisible qui me comprimer le haut de la cage thoracique.
Je me dis que j’aurais préféré une énorme baffe.
J’ai l’impression que je m’en serais remis plus vite.
……………………. Et enfin je pleure.
Je réagis à ce résultat comme je n’ai jamais réagis avant. D’habitude j’encaisse le coup et je réagis plus tard, à froid, quand je suis sûr que la déception et la colère vont sortir lentement et à petite dose.
Je n’en peu plus de pleurer. Je me sens dépassé par ce qui est dans mon corps.
Je passe une bonne partie de ma nuit à marcher dans l’appart en étant incapable de lire, d’écouter la musique, de faire la poussière ou d’écrire.
Le lendemain il faut que je sois à 8H30 dans un grand entrepôt récupérer des blocs de siporex et quelques parpaings.
Une nuit sans presque dormir, mais sans réfléchir non plus. Juste une expérience de fantôme.
Vers les cinq heures je m’écroule sur le lit.
A sept heures je prends une tasse de thé dans mon mini jardin. L’air me prend par tous les ports de ma peau. Je laisse échapper un petit cri d’étonnement. J’ai l’impression d’être une vierge courageuse mais pas téméraire. Puis, après m’avoir troué, j’ai l’impression que l’air m’enveloppe. C’est lourd et épais. L’air de ce lundi matin est un sarcophage.
Je me demande d’un coup si je ne suis pas déjà entrain de vivre le meilleur moment de la journée.
Il est huit heure je viens de terminer d’écrire ces quelques phrases. Je voulais les mètres en ligne mais il manque en moyenne deux mots par phrase….. je reprendrais ça a tête reposée…. ou bien je balancerais le tout à la corbeille ce soir.

Lundi soir.

Pas trop envie de m’étendre sur cette journée chargée. J’ai passé mon temps a charger et décharger du matériel de construction. A chaque moment j’avais peur pour mon dos mais il est sorti de la journée indemne. J’ai ensuite emballé toutes les merdes et tout le mobilier de l’accueil pour les mettre à l’abri de la poussière à l’autre bout de l’établissement.
Mon esprit est squatté par la nouvelle de hier soir. Je prends le temps d’envoyer un texto a la comédienne qui devait participer à l’aventure, tout en priant quelle ne me rappelle pas.
Du moins pas aujourd’hui.
Ce n’est pas elle qui me rappelle mais ma copine de Lunel qui est dégoûtée qu’aucuns des deux projets n’aient été retenus.
Je reste froid et distant. J’abrège la conversation.
Mon esprit est squatté par la nouvelle d’hier soir mais je n’arrive pas a y réfléchir, a analyser la chose…. Ce n’est pas aujourd’hui que je ferais ma thèse/antithèse/conclusion/perspectives sur ce refus de la municipalité.
Je passe la journée enfermer dans ma bulle. C’est peut-être mieux ainsi vu l’humeur speed et agressive de mon patron.

Mardi matin :

Il faut que je sois là-bas à 1Oh30.
J’ai très mal dormi cette nuit encore.
Est –ce que je vais ternir jusqu'à la fin des travaux ?
J’ai mal aux bras et ma nuque est lourde.
J’ai mal à la gorge et j’ai de plus en plus froid. Hier je travaillais avec un sweat-shirt et ça a fait rire tout le monde.
J’ai mal a la gorge comme lorsque je n’arrive pas a exprimer quelque chose ou quand j’attends trop longtemps pour écrire un texte.

Soir :

Une journée dans les gravats et l’obscurité alors qu’il fait beau dehors.
Très bonne parillada de poissons à midi sur le compte du patron.
J’ai passé une bonne partie de la journée à trimballer les blocs et les dalles de siporex d’un endroit à l’autre de l’établissement….. Personne ne savait quoi en faire. Elles gênaient partout.
Mon patron c’est aussi rendu compte qu’il avait doublé la commande et que donc sur les 98 plaques il nous en fallait seulement 49.
Les travaux prennent du retard. Je n’ai pensé à rien toute la journée mon corps s’en ai chargé pour moi : toujours froid et mal à la gorge.
Il est huit heures du soir et je vais me coucher après avoir pris quelques petites gélules pour me ramollir et bien dormir.

Mercredi :

Il est super tôt. J’ai l’impression que ça va mieux. … en tout cas je n’ai pas froid.
Rien à faire sinon attendre. Je ne voudrais pas abîmer cet instant ou il ne se passe rien de négatif ou de positif…. Ce n’est donc pas aujourd’hui que je vais relire ces notes et les mettre en ligne.

Je me suis toujours moqué des gens qui prenaient les refus ou les critiques artistiques comme des attaques ou des échecs personnels. C’est pourtant ce qui m’arrive depuis dimanche soir.
Ais-je changé ?
Je me croyais moins orgueilleux que ça.
Peut-être que j’ai trop rêvé cette fois-ci.
Peut-être que j’ai passé trop d’heures à penser et écrire ce projet pour essuyer un refus sereinement.
Je pensais que cette vielle chose remise au goût du jour était vraiment intéressante.

J’ai toujours accepté les critiques mais cette fois ci c’est impossible.
C’est eux qui font fausse route en m’écartant.
Si les services culturels de la ville m’avaient dit : « t’es trop gros et trop moche » j’aurais réagis de la même manière.
Je me déteste de penser ça. J’ai horreur de me sentir si vulnérable, si affecté par une décision qu’a prise quelqu’un d’autre. Il faudrait que je relise ce putain de projet pour voir ou j’ai merdé, comment je peux le présenter à d’autres municipalités.
J’ai des envies de revanche. C’est acide.
C’est pas bien.
Trop de projets s’effilochent et sombres en ce moment.


…..Je viens de rentrer à l’instant pourtant j’ai fini vers les 17heures. Je n’ai pas envie d’écrire.
Je ne veux plus écrire. Mon pote Günter est séropositif. Depuis midi je me suis totalement aspiré par la nouvelle.
En rentrant chez moi je trouve aussi la lettre de la mairie confirmant le refus du projet.

Nuit de mercredi à Jeudi.

Il y a un peu plus d’une semaine mon pote Günter apprend par une tierce personne que le mec avec qui il a eu une relation plus ou moins stable pendant un an et demi est séropo depuis pas mal d’années.
Ils ont toujours eu des relations sans risque sauf une fois, plus d’un an après leur rencontre. Ils n’avaient pas de quoi se protéger et l’autre lui a dit : « il n’y a aucun problème. ».
Le lendemain du coup de fil mon pote est allé au CIDAG pour faire un test puis il est parti a Paris pour des raisons professionnelles.
Je n’avais plus de nouvelles de lui depuis trois ou quatre jours et je pensais que les résultats du test étaient pour demain jeudi.

…… Pendant ma pause repas je suis dans le tramway en direction de la médiathèque quand mon portable sonne. Je suis speed et légèrement surexcité à cause des travaux et du temps qu’il me reste pour poser les bouquins, bouffer un sandwich et revenir travailler.

L’ogre : Ben alors ! T’es mort que tu ne me téléphones pas depuis ton retour de Paris.
Günter :……….Pas encore. Presque. Les résultats ne sont vraiment pas bons.

Enorme blanc. Le cœur commence a me serrer.
Je regarde la dame assise en face de moi qui est entrain de regarder mon visage se décomposer. Le tramway prend un virage assez brusque et je perds légèrement l’équilibre. La dame fait un geste pour me soutenir mais je l’esquive d’un air ultra énervé.
Elle rougit et baisse les yeux.
C’est a ce moment là que le sentiment d’être aspiré débute.
Il ne parle toujours pas. C’est à moi de dire quelque chose mais rien ne vient. Pendant longtemps.
Puis je parle je bafouille. Je sors une station avant la médiathèque centrale pour prendre l’air. Je m’adosse à une des statues qui garde l’entrée du bâtiment.
C’est une copie d’un Zeus quelconques…..C’est moche. Je n’avais encore jamais fais attention. Peut-être encore plus moche que la pauvre Diane Chasseresse qui semble paumé à l’entrée de la maison d’agglo.
Je dis à Günter que je passe des que j’ai finis le boulot. Je lui demande de ne pas faire de « bêtise ». Il ne me répond pas.
MERDE.
Je n’arrive pas a arrêter de pleurer dans le grand hall. Je vais m’assoire dans la salle des quotidiens, je ferme les yeux et je compte jusqu'à deux cents cinquante.

De retour au boulot j’ai l’air tellement sinistre que mon boss ne me garde pas longtemps. Juste le temps de peindre quelques parois de siporex et de me râper les doigts à force d’appuyer sur le rouleau.

Je passe chez Günter. Je ne sais pas lequel est le plus mal à l’aise des deux. Je le trouve vieilli. Comme si de rien n’était il me parle des trois jours qu’il a passé à Paris. Il est traversé de tics nerveux. Sa voix traîne et il cherche même les mots les plus simples.
Je ne sais pas si il conscient de tout ça.
J’attends qu’il me donne l’autorisation de pleurer. J’attends qu’il me dise : « ¨Parle »
Mais rien de tout ça. Je garde mon langage articulé et mon langage crié au fond de moi.

Je repars de chez lui et traverse le centre ville pour aller prendre mon bus. Je longe l’Esplanade et je suis surpris par la quantité de fleurs qui jaillissent des plates-bandes. J’ai l’impression qu’il n’y en a jamais eu autant. J’essaye d’évaluer combien d’euros tout cela a dut coûter…. Et je me dis que la mairie aurait pu lever un peu le pied sur le budget fleurs pour subventionner mon projet.
Je sais c’est mesquin.
Je passe chez ma comédienne pour manger un bout. Elle est devant le match qui oppose Milan à Barcelone. Je trouve que Ronaldinio est une folle tordue. Elle n’a pas l’air tourmentée ou hantée par le refus qu’a essuyer notre projet.
« Tourmenté ou hanté »…. Voilà les mots ( les sentiments) que je cherche depuis dimanche soir.
Dans le bus je ferme les yeux. C’est le service de nuit et il n’y a personne sur la route. Il roule vite et je voudrais avoir un accident à cet instant. Je pense à Frida Khalo…. Je me souviens de cet exposé catastrophique sur cette « mujer pintura » en seconde que j’avais infligé a toute la classe.

Je suis la maintenant dans la nuit et le sommeil est dur a trouver. Je pense à Günter. Je réalise plus que lui ce qu’il lui arrive.
« Tourmenté ou hanté »…. Le rejet et surtout cette séropositivité…. A toutes heures j’ai l’impression d’être envahis par les personnages de Munch.

Jeudi :

Ce devait être une semaine fatigante mais simple. C’est entrain de devenir un labyrinthe pour spectres et insomniaques.
Ma tête tourne à fond.
Ma tête tourne dans le vide.
Je repense à Frida Khalo, a ses autoportraits ou elle est mutilée, et peu a peu se dessine devant moi le futur de Günter. J’ai envi de bercer son corps contaminé. Je suis juste un taré de plus.
Peindre peindre peindre….. le siporex absorbe toute la peinture.
J’ai peur du jour ou Günter va enfin se réveiller ou il va enfin comprendre qu’il a un nouveau corps et forcement une nouvelle vie.
Aujourd’hui il a mangé normalement et il est allé à la muscu…. Je ne sais pas comment je dois prendre cette information. Je crois que je ne mâche plus les informations qui me parviennent. Cette semaine j’avale tout et tout cru en sachant bien que cela va me rester sur l’estomac.
J’ai honte de penser encore à moi et à mon projet artistique.
Au boulot la tension monte. Il faut dire que nous rouvrons demain soir à huit heures et que rien n’est prêt. Le patron et son associé se sont engueulés et je suis parti juste avant que cela ne dégénère vraiment.
Peut-être que j’en trouverais allongé dans une flaque de sang demain lorsque j’arriverais.

Ps : on m’a voler deux fûtes sur mon étendoir mais a ce moment précis je m’en fou.

Vendredi :

Les travaux sont finis.
Nous avons réussis à ouvrir à 8h30…. Je vais manger chez Günter. C’est moi qui m’impose. Je n’arrive pas a savoir si il a envi d’être seul ou pas. Je me pose sur le canapé et m’endors peu à peu. J’ai du mal a suivre et surtout a entretenir la conversation. Au fur et à mesure que le stress des travaux s’éloigne en laissant mon corps tout mou, ma tête m’envoie des images de l’intérieur du corps de mon pote. Des images de métastases géantes.
Il me dit de ne pas m’en faire. Vu les progrès en dix ans de trithéarpies on pouvait espérer un allongement de l’espérance de vie considérable. J’essaye de lui parler aussi de la qualité de vie, que ce n’est pas un facteur a négliger.
Moi, dans ma tête, j’essayes de me persuader que ce n’est plus comme a Ton époque ….. Je n’arrive pas a lui dire que ton état c’était détérioré très rapidement et que tu n’étais séropo que depuis six ans (don quatre sous trithérapie)
…..pour l’espérance de vie on peux mieux faire….
Mais je ne peux pas lui dire ça.
Grosse fatigue. Je sens mon corps liquide et mon esprit gazeux.
Mon dieu Günter tu as vraiment une tête décomposée. On dirait que plus rien n’est relié, qu’il n’y a plus de tissus ou d’os entre tes yeux et tes joues, entre ton nez et ta lèvre supérieur.


Le samedi je ne travail pas. Je passe une heure dans mon jardin.
J’ai envie de parler de cette séropositivité à quelqu’un.
J’ai envie de garder mon échec à l’intérieur de moi… pour qu’il me mange.
Etre cru.

Le dimanche je me tape le ménage et l’après midi au boulot…..et je me décide enfin à mettre mon blog à jour.

Il y a pile une semaine je découvrais (sans le vouloir) que les services culturelles de la ville n’avaient pas retenu mon projet.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour. Sans doute, il y a des choses à dire, des réactions à emettre, enfin quelque chose qui puisse faire que tu saches que ça ne laisse pas de marbre. Et puis, il y a la peur de dire une connerie. Alors, silence :)