samedi, octobre 21, 2006

petit conte du samedi

L’endroit était classe. Il n’y a pas d’autres mots.
Construit dans la première moitié du dix-neuvième siècle il s’étendait sur au moins 650 mètres carrées. Une seule et énorme pièce protégée des intempéries par une structure de fer. Entre les piliers, les quatre murs sont de briques et , tout autour du bâtiment, juste en dessous du toit, courrait une verrière qui transformait les rayons du soleil en lumière spectrale.

L’endroit était classe puis était vide. J’ai longtemps cherché le poinçon de l’architecte en faisant glisser mes mains sur le bas des colonnes de fer et, plus tard, lorsque les ouvriers montèrent les échafaudages, en scrutant le moindre détail de la décoration ronde et paresseuse des arcades rouillées qui soutiennent le toit légèrement incliné.

Je passais mes journées là-bas. Quand, pour des raisons tristement professionnelles, je devais m’absenter et quitter des yeux ce bâtiment que j’avais finis par appeler « mon vaisseau fantôme », je calais dans mon sac les deux énormes livres sur Gustave Eiffel et sur les réalisations de Victor Baltard.

Car il s’agissait bien de cela, j’étais envoûté par une ancienne halle au squelette de verre, de fer et de fonte. Cette jolie carcasse se trouvait pas très loin de chez moi, a deux minutes après avoir traversé le fleuve par le pont Jaume 1er .

Jusqu'à l’hiver dernier c’était les abattoirs alors, forcement, ne supportant pas l’odeur de la viande, je ne m’y rendais pratiquement jamais. Les bouchers sont partis et les services municipaux sont venus démonter les cloisons et le mobilier puis ont laver l’endroit à grande eaux.

J’ai passé tout l’été a rêver dans l’immensité du lieu pendant qu’a la mairie s’opposait les amoureux du patrimoine et les spéculateurs immobiliers. Finalement les échafaudages n’ont pas été montés pour faciliter la restauration comme je l’avais pensé au début mais pour démonter cet étrange édifice-mécano.

Dans deux semaines il ne restera rien.
Un artiste local, en vue de la création d’une statue à la gloire du maire, a déjà réservé la fonte; les plaques de verre, une foi nettoyées et surtout décapées permettront au Conseil Général de faire légèrement baisser le devis de la Salle Britney Spear dans le chantier d’agrandissement de l’Auditorium Camille Saint-Saëns.


Dans deux semaines il ne restera rien de mon vaisseau fantôme. Je sais que je continuerai a errer sur les lieux quelques temps puis les nouveaux bâtiments sortiront de terre.
Je pense déménager bientôt.

Je pense partir vivre à Paris, sûrement chez un ami qui habite près du canal de l’Ourcq. Je ne serais pas loin du Parc de La Villette et de l'archiecteure de la grande halle sauvegardée. Mais pourrais je être un jour consolé?

J’apprends dans le journal local que l’Ecole des Beaux Arts va s’installer ici, sur les ruines de mes Abattoirs.
Je suis sûr que le quartier prendra son nom.

-Tu habite ou ?
- Moi, j’habite aux Beaux Arts….


C’est joli et puis de toutes les façons on s’y fera….
Moi ça me fait mal à l’oreille… Moi j’habite aux Abattoirs….et jusqu'à la fin de ma vie je dirais que j’ai habité aux Abattoirs…c’est tellement plus parlant

1 commentaire:

Brigetoun a dit…

mais, bien sur il aurait fallu coisonner et c'est dommage mais on pouvait trouver une solution, personne n'a eu l'idée d'installer l'école dans la halle, c'est tellement évident, et même "tendance" ?